Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog d'Albatros
20 mai 2021

Arctique : la fonte de la banquise attise les convoitises

Je partage un article de "Libération" daté du 20 mai 2021 qui laisse présager un risque de conflit dans les mois ou les années à venir.

En plus des titres de paragraphe, j'ai mis en "gras" ce qui me semble important à retenir. 

 

------ Citation ------

 

Russie, Etats-Unis, Chine… Avec le réchauffement climatique intensif au pôle Nord, la région Arctique perd sa glace et exacerbe l’intérêt des grandes puissances. Jusqu’à un conflit ouvert ? 

En quinze ans, l’Arctique s’est imposé comme un point chaud de la planète. Littéralement, le cercle polaire de l’hémisphère Nord se réchauffant trois fois plus vite que le reste du monde. Mais aussi géopolitiquement, tant son potentiel énergétique, commercial et stratégique, décuplé par la fonte des glaces, attise convoitise et compétition entre puissances. Réunis en sommet à Reykjavik (Islande), les membres du Conseil de l’Arctique se sont engagés jeudi à œuvrer en faveur du «développement durable et de la protection de l’environnement». Deux objectifs essentiels de ce forum international qui regroupe depuis 1996 les huit nations riveraines (Etats-Unis, Russie, Canada, Danemark, Islande, Norvège et Suède) et les populations autochtones. Derrière ce communiqué consensuel, de vives tensions demeurent toutefois, notamment entre Washington, Moscou et Pékin.

Des enjeux multiples

Environnement, recherche, énergie, terres rares, pêche, navigation commerciale : aucune région du monde ne regroupe autant d’intérêts, parfois contradictoires, sur un territoire aussi sauvage et au climat si extrême. Barrage naturel à l’exploitation des ressources de l’Arctique, la glace n’était pas censée fondre si vite. Mais l’accélération du réchauffement climatique a mis à nu, résumait Greenpeace en 2015, «une mer nouvelle et vulnérable». La Russie y a érigé en priorité l’exploitation des gisements d’hydrocarbures. La Norvège estime que la mer de Barents recèle plus de 60 % de ses réserves pétrolières restant à découvrir. Le Groenland suscite l’intérêt de compagnies minières, même si le nouveau gouvernement local va enterrer un projet controversé de mine d’uranium. Quant à la France, membre observatrice au Conseil de l’Arctique, elle n’est pas en reste : Total a signé en 2018 un accord avec le groupe russe Novatek pour extraire du gaz dans la mer de Kara. Jeudi, trois ONG ont érigé devant le ministère français de l’Economie dix blocs de glace formant le nombre 700 millions, en référence au possible soutien financier de l’Etat à ce projet.

L’autre enjeu majeur concerne la Route maritime du Nord (RMN), qui longe les côtes russes sur 4 000 km, et réduit considérablement le temps de voyage entre Asie et Europe. Le blocage en mars du porte-conteneurs Ever Given dans le canal de Suez a rappelé que cette route, accessible de plus en plus tôt à la faveur de la fonte des glaces, pouvait devenir une alternative. D’autant que Moscou souhaiterait l’ouvrir toute l’année d’ici à 2035. Dans quelles conditions ? Mardi, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, a reproché à la Russie ses «revendications maritimes illégales» sur «les règles de transit des navires étrangers sur les routes du nord». Des règles «incohérentes avec le droit international», a-t-il déploré.

Des acteurs variés

La Russie, qui possède 53 % de l’espace côtier, se dit chez elle. Pour Moscou, il s’agit d’une zone stratégique, essentielle pour son affirmation géopolitique et son développement économique, et dont la défense est inscrite dans sa doctrine militaire. «Le modèle de développement économique soutenu par Moscou dans la région polaire repose sur deux piliers interdépendants : la Route maritime du Nord et l’extraction des ressources naturelles», écrit Florian Vidal dans une note récente de l’Institut français des relations internationales. En 2020, 30 millions de tonnes de matières premières russes ont été transportées par la RMN, contre 7 millions en 2016. A l’horizon 2035, le volume devrait atteindre 130 millions de tonnes. Dans le même temps, la Russie compte multiplier par dix l’extraction de gaz naturel liquide, dont regorge l’Arctique, jusqu’à 91 millions de tonnes. Moscou mise aussi sur l’exploitation d’importantes réserves de pétrole, estimées à six milliards de tonnes, et sur des gisements houillers qui peuvent fournir à terme jusqu’à 10 millions de tonnes par an. L’exploitation des hydrocarbures de la région polaire représente déjà 20 % du PIB national.

Le regain de l’intérêt des Etats-Unis pour l’Arctique, qui n’ont qu’une petite portion de la région à travers l’Alaska, est lié aux relations avec la Chine et la Russie. Pour Washington, le pôle Nord est certes une zone de coopération, de recherche scientifique, un point d’ancrage de la politique climatique, mais surtout une zone stratégique et militaire. La Chine, qui n’a pour sa part aucun point de contact territorial avec le cercle polaire, se considère comme un «Etat quasi Arctique», et, sans manifester de prétentions territoriales, revendique le droit d’y mener des recherches scientifiques, de convoiter les ressources économiques et de prendre part à la gouvernance de la région. Le passage par l’Arctique est d’ailleurs considéré par Pékin comme «la route de la soie polaire».

Une militarisation croissante

«Nous nous engageons à promouvoir une région Arctique pacifique», a promis Blinken lors du sommet. Le pôle s’est un peu éloigné de cet idéal, proposé dès 1987 par Gorbatchev : ces dernières années, l’Arctique se militarise. Le phénomène est perceptible à travers la multiplication des exercices militaires, tant du côté de l’Otan que des Russes. En mars, trois sous-marins nucléaires russes ont émergé de la banquise dans le Grand Nord lors d’une démonstration impliquant des avions de chasse et des troupes au sol. Le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (Norad), réunissant les Etats-Unis et le Canada, organise tous les deux ans un exercice similaire, baptisé Icex. En 2018, la marine nationale avait aussi envoyé un petit bâtiment le long de la route du Nord-Est afin de rappeler l’attachement à la liberté de navigation dans une région où la Russie [déploie] une «stratégie d’intimidation», d’après la revue stratégique du ministère des Armées.

«La remilitarisation n’atteint pas le niveau de la guerre froide», nuance Mikaa Mered, enseignant en géopolitique à Sciences-Po Paris. Mais la tendance est bien là : la Russie ambitionne par exemple de restaurer ses capacités de projection de forces, n’importe où en Arctique, en moins de quarante-huit heures, comme aux grandes heures de l’affrontement Est-Ouest. «On a assisté à une augmentation rapide des avant-postes militaires [russes] le long de sa côte septentrionale, soutenue par la puissance Flotte du Nord, en partie pour défendre la route du nord-est», relève l’officier de l’US Navy Brian L. Sittlow, dans une analyse publiée par le Conseil pour les relations extérieures (CFR). Les Etats-Unis investissent eux aussi, notamment pour se doter de nouveaux brise-glaces lourds. La Chine en recevra bientôt un troisième. Et cet appétit de Pékin préoccupe autant la Russie que les Etats-Unis.

------ Fin de citation ------

Publicité
Commentaires
Le Blog d'Albatros
Publicité
Newsletter
Publicité